HOT SPACE: Pierre vous présente son univers

Interview réalisé par Raphaël Tanguy.

En février 2019 est paru le premier tome du comics français Hot Space, peux-tu nous présenter l’album en quelques mots?

Hot Space se veut être un comics. Il faut comprendre par là, une bande dessinée populaire destinée au plus grand nombre de lecteurs, surfant sur un découpage similaire à celui des comics de super héros. La ressemblance s’arrête là. Les personnages qui évoluent dans cette histoire ne disposent pas de super pouvoir. Ce sont juste des gens ordinaires, même s’ils disposent de quelques compétences professionnelles et martiales prononcées, qui vont être confrontés à des situations extraordinaires. L’idée est de raconter une histoire de science fiction, dans un futur probable de conquête de la galaxie par l’humanité, dans tout ce qu’elle sait faire de perfide. C’est une sorte de tragédie, même si elle est éloignée de nous dans le temps futur et dans la technologie.

Peux-tu nous présenter la planète Aoba où se déroule l’intrigue?

Aoba pourrait se limiter à une petite planète de rien, écartée de tout. Je pourrais raconter pourquoi elle va devenir le centre de l’univers pendant cette histoire, mais je tairai les enjeux de l’histoire : raconter les raisons du complot qui entraine les personnages sur cette planète risquerait de gâcher l’intrigue ! Je vais donc plutôt raconter pourquoi cette planète Aoba est si aride, et ressemble à un désert de caillasses et de poussières. En fait, juste avant de commencer Hot Space, je venais de terminer les illustrations d’un roman post apocalyptique dans lequel la Terre était devenue une étendue poussiéreuse et aride. Lorsque j’ai terminé cet ouvrage, j’avais toujours en tête ces vastes étendues stériles, mais propices à garder des secrets prêts à surgir à la face des héros qui en arpentent les sols desséchés et gercés. J’ai laissé donc partir ces déserts appartenant à ce roman, mais ces derniers m’ont obsédé au point de devoir les recréer dans le monde d’Hot Space.

Pourquoi avoir choisi une héroïne comme personnage principale?

Il y a beaucoup de raisons. Il y a bien sûr l’image de Sigourney Weaver qui, dans Le premier Alien, passe du statut de jeune sous-officier de navigation, portée sur le règlement comme une débutante professionnelle, à celui du chevalier en blanc transperçant le Dragon à la fin de son voyage initiatique. Et puis, la condition féminine de Nohraïa a aussi son importance. C’est parce qu’elle est une femme plongée dans un milieu très (trop) masculin, qu’elle se fait envoyer sur Aoba. Une autre source d’inspiration pour crée Nohraïa réside dans le personnage de Karah Trace, pilote intrépide et insolente de la série Battlestar Galactica… mais bon, au fond, je pense que la vraie raison réside dans le fait que la Femme est pour moi la plus belle et la meilleure des muses.

Es-tu un passionné de SF?

Oui, je crois même que le premier livre que j’ai lu, et dont je me souviens, était habité par de la science-fiction. Je devais avoir 6 ans. Le livre s’appelait « Plodoc et la Planète Inconnue » et il était édité à la Bibliothèque Rose. Cette petite chose m’a filé le virus, et la maladie est devenue bien pire lorsqu’un oncle m’a invité à aller voir « La Guerre des étoiles » lorsqu’il est sorti au cinéma en septembre 1977… ça m’a fait un sacré cadeau d’anniversaire que je ne suis pas près d’oublier ! Depuis, j’ai consacré énormément de temps et d’énergie à la lecture et au visionnage d’œuvres de science-fiction. J’ignore si je suis un spécialiste, mais en tout cas, c’est un genre que j’affectionne particulièrement.

Quelles sont tes références en SF ? Livres, films, BD, comics…

Houla ! Citer toutes les œuvres qui m’inspirent pourrait remplir plusieurs pages. Il y a un peu de tout. J’ai eu l’immense bonheur de lire « Carbone Modifié » il y a très longtemps. J’ai voyagé dans des sciences fictions connues comme Fondation, moins connues comme « Le Faucheur » de David Gunn. J’ai lu des choses pessimistes, comme le cycle des Hommes sans Futur de Pierre Pelot, des choses plus optimistes comme « La Sonate Hydrogène » de Ian Banks, des choses bien barrées comme « Avance Rapide », pulp comme « le Vieil Homme et la Guerre », efficaces comme « Etoile Garde à Vous » ou « Vendredi », ou poétiques comme « la trilogie du Spin ». En Bande Dessinée, il y a des œuvres incontournables pour moi comme celles de Moebius (bien que j’apprécie bien plus Moebius que Jodorowski). L’adaptation en bande dessinée de « La Guerre éternelle » m’a beaucoup marqué aussi, et dernièrement, j’ai trouvé un immense plaisir à la lecture de la science-fiction de Rick Remender et Greg Tocchini pour la série « Low ». Je pourrais continuer sur bien d’autres ouvrages, comme ceux de Laurent Genefort, qui, en plus d’être un grand écrivain, n’en n’est pas moins un noble compagnon des routes de l’imaginaire.

A quel âge as-tu commencé à dessiner et à faire de la BD?

Si j’ai bonne mémoire, je crois que la première bande dessinée que j’ai faite, je devais avoir moins de 10 ans… J’avais imaginé une enquête policière dans le pays des Schtroumpfs… C’est bien que personne n’ait pu voir cette chose.

As-tu fait des études artistiques ou es-tu autodidacte?

Les deux mon capitaine ! je veux dire par là que pour commencer, ben je passais mon temps à dessiner. Tout le temps. Et puis mes parents, devant le désastre que devenait mon parcours scolaire, m’on inscrit dans un lycée pour faire un bac Arts et Lettres (le Bac A3) et par la suite, j’ai fait quelques années en études supérieures de dessin à l’ESAG (Met de Penninghen).

Que lisais-tu enfant?

En dehors de Plodoc ? J’ai quelques souvenirs de livres qui m’ont marqué plus que les autres. Des romans de Jack London, à savoir « l’Appel de la Forêt » et surtout « l’Amour de la Vie ». Et puis plus rien. La scolarité jusqu’à seconde classe de troisième a fait que je ne me souviens plus que je prenais un quelconque plaisir à la lecture, en dehors de la bande dessinée (Boule et Bill, Gaston Lagaffe, et puis les comics Perry Rhodan, et Strange). Peut-être « Danse Macabre » de Stephen King… à la limite… Ah oui, un livre du collège qui m’a marqué, c’était « la Cantatrice Chauve » parce que je n’arrivais jamais à le finir tellement j’étais écroulé de rire. Il faut donc attendre ma deuxième troisième pour que je découvre Asimov, Lovecraft, et de la bande dessinée « plus adulte » comme Bilal, Moebius et Druillet.

Qu’aimes-tu dans les publications actuelles?

Il y a pas mal de comics indépendants que j’aime bien, qu’ils soient connus (Mignola) ou moins connus (Tocchini ou Sean Gordon Murphy). J’aime bien les choses décalées, novatrices, et surtout très tournées vers le public.

Qu’est-ce que tu n’aimes pas dans les publications actuelles?

J’ai du mal à « ne pas aimer » dans le sens où si je n’aime pas, je referme le livre et j’évite d’en parler. Il faut que je sois vraiment forcé pour que j’aille au bout d’un livre que je n’aime pas… Dès fois, je n’ai pas le choix et je dois le faire dans le cadre de mes activités périphériques, pour expliquer pourquoi telle œuvres ne fonctionne pas à des étudiants me questionnant dessus. Evidemment il faut argumenter… Non, ce que je n’aime pas, je ne préfère pas m’étendre dessus : ça ne sert pas à grand chose au final.

Quelle a été ta toute première publication?

Des illustrations pour un jeu de rôle qui est sorti en 1993 : c’était la 3ème édition du jeu « Berlin XVIII », édité par Siroz.

Quelle est ta méthode de travail?

Eh bien j’écris assez peu au final. Je raconte directement l’histoire dans un découpage… Je la storyboarde directement, et je pense les séquences comme cela, en fonction du nombre de pages dont elles ont besoin. Evidemment, j’essaie de me fixer un moule narratif solide de manière à respecter le format que je vise pour l’édition. Une fois que c’est fait, je pousse de manière très précise le story board, pour en faire un crayonné presque définitif. Une fois fait, je l’agrandi, je le place sur une table lumineuse, et j’encre directement sur une feuille de dessin. Parfois je corrige la perspective, ou les poses, mais globalement, les planches définitives sont presque pareilles que le story board poussé. Passé toutes ces étapes, s’en suit la postproduction par ordinateur à travers laquelle je place les textes, tant ceux des phylactères, que ceux appartenant aux éléments de décors.

Quelle étape préfères-tu faire dans tes planches ? le storyboard, le crayonné, l’encrage ou la couleur?

Je ne sais pas trop… A vrai dire, je crois que l’étape dans laquelle je suis le moins à l’aise, c’est la mise en couleur.C’est pour cela que j’ai désiré que Véra Daviet s’occupe d’Hot Space. Ça a été fait à travers de nombreux échanges et de nombreuses mises au point. Véra mérite une médaille pour sa patience !